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Les yoles martiniquaises

Une embarcation née de la mer

Nées de l’ingéniosité des pêcheurs antillais, les yoles rondes sont les véritables icônes du patrimoine maritime de la Martinique. Inspirées des embarcations traditionnelles comme le gommier, elles ont évolué entre le 17ᵉ et le 18ᵉ siècle pour s’adapter aux conditions exigeantes de la mer des Caraïbes. Conçues sans plan écrit, elles sont façonnées « à l’œil », suivant un savoir-faire transmis de génération en génération, souvent au sein d’une même famille ou d’un quartier.

Art de construire, science du bois

Chaque yole est unique. Taillée dans des essences locales (souvent du poirier local) ou parfois importées (teck ou angélique), sa coque fine et légère mesure entre 8 et 10 mètres. Elle repose sur un subtil équilibre entre rigidité et souplesse, pour pouvoir filer sur les vagues avec élégance. Sa particularité ? Une double voile de forme carrée pouvant couvrir jusqu’à 100 m², et surtout, l’absence de quille, de lest , de dérive et de gouvernail. Pour garder le cap, les membres de l’équipage utilisent de longues perches en bois – les fameux bois dressés – où ils s’installent en équilibre au-dessus de l’eau. Un vrai numéro d’acrobatie nautique !

Tour des yoles de la Martinique

Une chorégraphie d’équipe

À bord, c’est la coordination qui fait tout. Un yole embarque souvent entre 14 et 18 personnes (parfois moins). Le patron, véritable chef d’orchestre, lit le vent, donne les ordres. À ses côtés, le teneur d’écoute gère la voile principale, tandis que les autres (les dresseurs) se déplacent sans cesse sur les bois dressés pour équilibrer la yole, ou écopent vigoureusement quand l’eau s’infiltre. L’ambiance est électrique, l’entente doit être parfaite. La communication se fait souvent en créole, rythmé par l’énergie collective de l’équipage en plein effort.

Tour des yoles de la Martinique

Le Tour des Yoles : événement-phare

À partir des années 1950–60, l’arrivée des bateaux modernes motorisés a menacé la tradition. Les pêcheurs martiniquais ont alors lancé des courses amicales lors de chaque fête dominicale ou patronale pour sauvegarder leur embarcation. En 1985 naît le Tour de la Martinique des Yoles Rondes, la première édition officielle organisée par la Société des Yoles Rondes.
Cette grande course se déroule chaque été, généralement autour de la dernière semaine de juillet (en 2025 du 27 juillet au 3 août). Une dizaine voire une vingtaine de yoles s’affrontent durant 7 à 8 étapes autour de l’île. Pendant une semaine, les équipages effectuent un tour complet de l’île, par étapes, dans une ambiance festive qui attire des dizaines de milliers de spectateurs à terre et en mer.
Les yoles colorées qui fendent le vent, sont portées par les cris de la foule, les klaxons des bateaux-suiveurs, la musique et les rires. C’est tout un peuple qui vibre au rythme des voiles. On y croise des bateaux sponsorisés par des marques locales, fièrement défendus par leur ville ou leur quartier.

Tour des yoles de la Martinique
Tour des yoles de la Martinique

Palmarès et figures de légende

Au fil des années, certaines yoles sont devenues mythiques. Des noms comme UFR‑Chanflor, SARA Énergies Nouvelles ou Brasserie Lorraine ont marqué l’histoire de la compétition. Et que dire de Félix Mérine, véritable icône de la discipline ? Ce barreur légendaire, patron de la yole robertine UFR, a remporté le Tour à onze reprises. Il est devenu, pour les jeunes comme pour les anciens, un modèle de discipline, d’endurance et de passion.
D’autres ont aussi laissé leur empreinte, comme Jean Lafontaine, maître-charpentier du François, dont les yoles ont longtemps dominé les premières années de compétition. Il est considéré comme l’un des pionniers de la construction moderne de yoles dans les années 1940–50, avec des créations célèbres comme Pran plézi-a ou Kimafoutiyésa.

Tour des yoles de la Martinique

Fête, traditions et fierté

Le Tour, ce n’est pas qu’un événement sportif. C’est une célébration de l’identité martiniquaise. Sur les plages, on partage un colombo fumant, un ti’punch bien dosé, pendant que les enfants jouent autour des banderoles et que les adultes suivent les résultats, l’œil rivé sur la mer et l’oreille collée au transitor pour suivre la course, retransmise en directe sur les radios locales. L’ambiance est festive, conviviale, presque sacrée. Certaines familles suivent leur yole favorite comme d’autres suivent une équipe de foot.
La yole, en Martinique, c’est un symbole fort : « une affaire de tout un peuple », selon Aimé Césaire. Une véritable illustration de lien social, artisanal et identitaire pour tous les Martiniquais.
C’est ce lien profond entre les hommes, la mer et la tradition qui a valu à la yole une reconnaissance officielle :
En 2017, elle est inscrite à l’Inventaire national du patrimoine culturel immatériel en France, puis en 2020 sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO.

Tour des yoles de la Martinique
Tour des yoles de la Martinique

En résumé, la yole martiniquaise est bien plus qu’un bateau : c’est un morceau d’histoire qui navigue encore aujourd’hui, au cœur de la société antillaise. Un symbole de liberté, d’ingéniosité et de lien social. Chaque été, au rythme des voiles et des vagues, la Martinique tout entière se rassemble autour de cette tradition vivante. Et il suffit d’assister une seule fois au Tour des Yoles pour comprendre pourquoi.

Tour des yoles de la Martinique
Tour des yoles de la Martinique
Tour des yoles de la Martinique
Départ d'une course de yoles
Départ d'une course de yoles
Départ d'une course de yoles