Les Quimboiseurs et le Quimbois en Martinique : mystères et traditions
Le quimbois, aussi appelé kenbwa, tchimboi ou tjenbwa, est bien plus qu’une simple croyance en Martinique. C’est un univers fascinant, un héritage profond qui mêle traditions africaines, culture créole et influences catholiques. Pour les Martiniquais, ce mot évoque à la fois la magie, la connaissance des plantes, la guérison… et parfois même la vengeance.
D’où vient le mot « Quimbois » ?
L’origine du mot « quimbois » fait débat. Certains linguistes le relient au kikongo, ou « kimbwa » signifiant « savoir » ou « connaissance ». D’autres pensent qu’il vient de l’expression française « tiens bois », en référence aux décoctions à base de plantes que les quimboiseurs préparent. Peu importe son origine exacte, une chose est sûre : le quimbois est ancré dans la culture antillaise et trouve ses racines dans les rituels venus d’Afrique à travers l’histoire de l’esclavage.
Le Quimbois : Un Héritage Africain et un Acte de Résistance
Né des traditions animistes africaines, le quimbois s’est enrichi et transformé au fil du temps. Mais il a aussi été un outil de résistance. Certains esclaves utilisaient leur connaissance des plantes toxiques comme le mancenillier ou la canne marronne pour s’affranchir de leurs oppresseurs, parfois de façon radicale. C’était une forme de lutte silencieuse, un moyen d’inverser le rapport de force.
Le Quimboiseur : Entre Guérisseur et Sorcier
Figure à la fois redoutée et respectée, le quimboiseur (ou « gadezafé ») est un personnage fascinant. Guérisseur, devin, intercesseur entre le monde des vivants et celui des esprits, il ne devient pas quimboiseur par hasard. Son savoir est transmis de génération en génération, dans le secret le plus total.
On le consulte pour :
· Se protéger des sorts et des esprits malveillants.
· Attirer l’amour ou renforcer une relation.
· Communiquer avec les ancêtres.
· Soigner des maladies que la médecine moderne ne comprend pas.
Ses pratiques sont variées : infusion de plantes, prières, rituels complexes avec offrandes et parfois sacrifices d’animaux comme des cabris ou des poulets.
Les Pratiques du Quimbois
Les rituels du quimbois reposent sur des symboles puissants :
· Les « protègements »: des talismans dissimulés sous les vêtements pour repousser le mauvais œil.
· Les « bains démarrés »: des bains à base de plantes pour se purifier et éloigner la malchance.
· Les « paquets »: de petits fagots de plantes, d’os ou de sel, déposés à des endroits stratégiques, souvent aux carrefours, pour jeter un sort ou protéger un lieu.
La croisée des chemins est d’ailleurs l’endroit le plus redouté : on y évite soigneusement de ramasser quoi que ce soit, de peur qu’il ne soit « chargé » de forces occultes.
Figures Légendaires du Quimbois en Martinique
L’un des quimboiseurs les plus célèbres reste Faustin Homat, alias « Grand-Z’Ongle ». Craint pour ses pouvoirs redoutables, il aurait affirmé avoir causé la mort de plus de 400 personnes à distance. En 1965, il mit fin à ses jours, laissant derrière lui une lettre-confession qui glaça l’île
Entre Peur et Fascination
Bien que caché sous le vernis du catholicisme, le quimbois est toujours bien présent en Martinique. Beaucoup préfèrent ne pas en parler ouvertement, de peur d’attirer le mauvais œil. Certaines superstitions demeurent :
· Dormir avec ses vêtements à l’envers pour éviter la visite du Dorliss, esprit maléfique nocturne.
· Ne jamais marcher sur un paquet abandonné à un carrefour.
· Ne pas prononcer le nom d’un quimboiseur sans raison valable.
Aujourd’hui encore, le quimbois existe sous des formes plus discrètes. Il se pratique dans l’ombre, dans des maisons reculées, et se transmet en silence. Une chose est sûre : en Martinique, on ne plaisante pas avec les « gens gagés ». Vous voulez en avoir le cœur net ? Faites donc un tour au rond-point du collège au Diamant, par exemple…
Mais surtout, ne ramassez rien sur la route !